samedi 31 janvier 2009

Extrait (l'usine à consentement)

cet extrait se situe dans le chapitre à propos de "l'usine à consentement"
la référence à Noam Chomsky y est clairement exposée. Mais on va ici un peu plus loin...

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On ne peut pas vraiment manipuler « en direct » l'usine à consentement. A l'inverse de la propagande, qui attend tranquillement l'histoire officielle pour la répéter, elle a une certaine inertie et des rouages compliqués. On a donc cherché à tirer le meilleur parti du filtre, en l'alimentant avec de l'information dimensionnée selon le tamis. C'est ainsi qu'est né le « story telling » (« racontage d'histoire »), pour servir d'organe de direction à cette grosse mécanique. L'idée est d'injecter dans le système une histoire, la plus facile à comprendre que possible, de préférence accompagnée d'images, et à laquelle le public saura s'identifier. Cette histoire pré-mâchée va vivre une vie faite de buzz et de réactions émotives, et, quand le coup est réussi, distillera le message voulu. Lire la lettre de Guy Môquet comme on l'a fait récemment en France, c'est du story telling, et tout le contraire d'une analyse (qui était son auteur, quelles étaient ses luttes, pourquoi a-t-il été fusillé, par qui, dans quelles conditions ?). Une pensée unique aussi molle que prévisible a émergé du filtre à consentement, à propos d'une espèce de patriotisme du sacrifice, de devoir de mémoire, de respect dû aux combats des anciens.

La guerre contre le terrorisme (transcription imparfaite du war on terror américain, qui serait plus justement traduit par « guerre contre la terreur ») est, à bien des égards également, du story telling. Il faut dire que de dramatiques images sont tombées d'elles-mêmes dans les mains de nos dirigeants, un certain 11 septembre 2001, pour lesquelles l'usine à consentement a fonctionné à plein régime. Consentement au patriot act, ensemble de lois liberticides pour des citoyens américains innocents du drame. Consentement, plus tard, à l'invasion de l'Irak... pays qui n'a jamais eu aucun lien de quelque ordre avec Al Qaïda. Là, il a aussi fallu raconter une histoire de photos satellites montrant ce qui aurait pu être des armes de destruction massive... dont tout le monde savait que l'Irak était dépourvu.

On peut donc, certes indirectement, manipuler l'usine à consentement. Souvenez-vous : elle filtre l'information et fait émerger ce qui est vendeur, facile à comprendre pour le consommateur-débile, et qui ne compromet pas les intérêts des maîtres (Halliburton ou Nestlé, par exemple). C'est ainsi que la machine fabrique du consensus mou sur tout un tas de sujets.
Nous allons nous attarder sur une rhétorique courante ces derniers temps, et voir sa mécanique, parce qu'elle est en lien direct avec tout ce qui précède. Il s'agit pour le pouvoir de faire croire que sur tous les pans de l'économie ou de la société, le secteur privé fait systématiquement mieux que le service public. Le but est bien entendu de faire grossir le domaine marchand. Mais tout n'est pas dit.

  • Hôpital contre cliniques privées : on oublie d'expliquer la politique tarifaire, les caisses-pivots qui gèrent de manière inique les remboursements, la sélection des malades...
  • École publique contre école privée : on oblitère les moyens publics alloués au privé (article 89 de la loi Libertés et responsabilités locales, rémunération des professeurs, subventions) et, là aussi, la sélection à l'entrée...
  • Poste contre sociétés de transports : chacun découvrira en temps et en heure l'impact d'une privatisation sur le service rendu et sur le prix. Sans parler des conditions de travail et de la baisse du service en communes rurales.
  • Politique publique de l'énergie contre libéralisation des marchés : on ne nous explique toujours pas comment les investissements seront rentables à la fois pour les actionnaires et pour le consommateur.
  • Solidarité contre assurance... on met entre parenthèses rien de moins que le modèle de société et ses sources historiques.
C'est un véritable exploit que d'en être arrivé à faire autant se résigner les gens.
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la suite est l'analyse d'un cas concret : la privatisation annoncée de l'Ecole